LUNDI 16 JUILLET 2018… SUITE…

• Délurés de tous les pays, unissons-nous !
Avant même que les langues ne se délient, certains participants à cette soirée jouent encore les timides. D’autres, sans le savoir tirent franchement la tête. Ce n’est la faute à personne. C’est juste une question d’usage de soi et de jugement de vie ou de mort sur sa propre sociabilité. Quelques esprits mal lunés ne se rendent même pas compte qu’ils gâchent leurs nuits. D’autres piètres supporters se renfrognent, parfois, et ça se voit, ils ne se supportent même pas eux-mêmes.
En revanche, patience, un peu plus tard, les mêmes mauvais joueurs seront peut-être capables de cesser de faire grise mine. Le creuset de la soirée bouscule les pronostics. Les rendez-vous estivaux, gaulois et nocturnes de Valojoulx, comme dans beaucoup de lieux régis par la loi de l’hospitalité festive, s’arrangent pour combiner les nombreuses longueurs d’onde afin de créer d’incomparables polyphonies nouvelles qui peuvent changer le monde à la ronde.
D’ailleurs, si vous y êtes sensible, vous remarquerez que les remplaçants se risquent, une fois emportés par l’ambiance, à quitter leurs bancs de touche pour aller à la rescousse des inventions spontanées. En douce, plus la fête bat son plein, plus l’école buissonnière reprend une place centrale dans les cœurs. La seule tenue de rigueur exigée est celle que vous portez.
Pas de simagrée, pas d’embarras, pas de signes extérieurs de richesse.
Tout est à l’intérieur. D’un bout à l’autre de ce marché, les soufflets des talents des gens se soulèvent au gré des vents opportuns et de l’inspiration du moment.
Les jeux ne sont pas faits. Rien ne va plus comme prévu.
Les dons méconnus sont conviés au gala campagnard des artistes en herbe. La culture de la fête dans la Vallée de l’Homme remonte aux époques préhistoriques qui, déjà, prônaient :
• La liberté d’entrer dans la danse comme ça vient.
• L’égalité de s’adonner à des sympathies nouvelles.
• La fraternité de cultiver d’amicales exceptions culturelles.
La mairie a bien raison d’afficher cet adage de la bonne franquette sur sa façade.

• Hommage rendu à la gouaille de l’enfant de la balle
Un peu plus tard dans le ciel, ce sont les hirondelles qui, en premier, ont écouté la jeune chanteuse Alexia, accompagnée par le simple appareil de son électronique. À peine cette troubadour s’est-elle mise à pousser la goualante, que les voltigeuses de l’espace aérien se sont déchainées, virevoltant et stridulant. Cette jeune auteure-compositrice dont plus tard on sera heureux de pouvoir dire :
« Je l’ai connue à ses débuts »
encourage les moindres élans de goguette aux alentours. D’ailleurs, afin de mieux s’abreuver à ce joli filet de voix, la grappe humaine restée jusqu’alors accrochée à la guérite en bois du bar s’est mise à dresser l’oreille. Les chansons au micro reprises en chœur, le jeu de la guitare et les coups de batterie pintés dans les enceintes font trembler les feuilles d’arbres tout autant que les âmes.
En conséquence de quoi, notre amie Péguy de Pastel Coiffure, s’est lancée à la volée dans une sorte de danse du scalp. Vous me direz : rien de plus normal pour une artiste capillaire. Elle reste dans son domaine. Dès son plus jeune âge, elle a été élevée à l’université de Dunkerque, section flonflons de Carnaval. Autour d’elle, dans la foulée, une poignée d’amies toutes aussi rebelles que belles se sont déclenchées. C’était à qui chaufferait le mieux la salle à ciel ouvert.
Les hirondelles, elles-mêmes hypersensibles redoublent d’acrobaties en guise de merci.
Ces étoiles traçantes incitent quelques hommes à se lancer eux-aussi à corps perdu dans la farandole. La chanteuse, à son tour, bat le rappel pour que les moins vaillants montent sur la brèche. Même le groupe d’ados vêtus de noir qui était resté planqué au sol, prend le culot de se lever.
Un premier jeune est d’abord arraché de terre par Péguy, tandis que les autres se laissent embarquer eux aussi.

Pas besoin de filmer ces moments ordinaires de prodiges primesautiers, ils sont tout simplement vivants. Plus vrais que nature. Exhalants même. Grandioses parce que l’air de rien, toute participation à un tel collectif créatif et gracieux, ça n’est que du plaisir durable pour les suivants. Que des graines d’avenir éparpillées. Que de l’essaimage de prodiges à vau-l’eau.
Les heureux rebondissements entre nous vont, à n’en pas douter, se répercuter des années durant.
Tous autant que nous sommes, nous sommes sujets à de tels moments transcendants.
Exemptés de nos encombres.
Transplantés dans une terre rare.
Téléportés dans une surface de réparation.
Plongés dans un bon bain d’innocence et de bonne humeur…
La démocratie de voisinage prend sa source
dans ces giclées de créations spontanées et indicibles.

Note de l’auteur (suite et presque fin) : ne quittez pas ces lignes avant qu’on en vienne au bout du but : l’équipe de France et ses exploits. Notez bien que, ce soir-là à Valojoulx, avec ces mini équipées vouées à l’art de vivre, ces patchworks de nationalités, cette créolisation des prouesses de chacun, ce n’est pas uniquement un territoire fermé aux frontières, c’est un pays, la France qui, comme son nom l’indique, est une aspiration au franchissement. Une franchise de talents. Une langue bien pendue qui s’encourage en dansant. Un très ancien art de vivre plein d’entrain et d’entraide. Une façon d’accueillir au débotté l’imprévu et l’inespéré. Une joie très individualiste et parfois revêche de participer malgré tout au collectif en ouverture qui procure un vrai plaisir. Mais je vous en prie, poursuivez votre lecture.

• Comme quoi on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs et sans trouver des truffes
Un peu en retrait de la piste de danse improvisée, le batteur d’œufs préparait son énième nouvelle omelette aux truffes. Soudain, ce fut plus fort que lui, il s’est levé et, à haute voix, il a carrément exulté :
– « Mais regardez ! Regardez donc !… Le Stade de la Coupe du monde, c’est ici !… C’est le même gazon ! »…
Puis, son doigt pointé sur une douzaine de gros lampions se balançant en hauteur sur un fil, il a rugi plus ardemment encore :
– « Ce sont les mêmes projecteurs !… C’est le même public !… C’est le même enthousiasme ! … C’est la même confiance !… ».

• 2 jours plus tard, le 15 juillet, c’était effectivement la finale de la coupe du monde à Moscou !
Nous avons gagné. Je dis : nous ! parce que non seulement nos partenaires Croates nous ont épargnés, mais surtout parce que l’ambiance de ce groupe de jeunes joueurs talentueux qui nous représentaient était faite des mêmes truffes que celles dont on fait les omelettes les vendredis soirs d’été à Valojoulx. Je nous souhaite que l’équipe de France ne cesse de jouer à domicile, chez nous et en nous. Sur tous nos terrains et dans tous nos pays d’ici ou d’ailleurs avec lesquels nous sommes en lien.
La joie d’entraîner est là, partout où l’esprit se réjouit et resplendit.
L’individuel se met au service du collectif.
Le collectif se met au service du transcendant.
Le transcendant se met à nouveau comme jamais au service de l’individuel,
et ainsi de suite en spirales optimales,
des rebondissements comme le ballon rond de la planète pour que le meilleur gagne.

Note de l’auteur (fin) : quand je dis « que le meilleur gagne », je pense au meilleur qui est en nous, sans m’exempter ni rejeter personne.
Vive les bons entraîneurs et les bons joueurs !
Vive les supporters qui soutiennent le beau jeu !
Vive les bénévoles de toutes les associations qui contribuent à la vie !
Vive la vie… pour l’ensemble de son œuvre qui est toujours en œuvre !
Merci à tous les artisans de l’art de vivre !

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